lundi 11 avril 2011

La révolution lybienne ou la France en croisade



Moi la première, emportée par l'émulation des révolutions arabes en marche, je ne me suis pas questionnée plus que ça sur les fondements des révoltes touchant la Lybie, un homme au pouvoir massacrait des civils, et il ne m'en a pas fallu beaucoup plus pour accuser cet homme de monstruosité et vouloir moi-même m'y rendre pour soutenir l'insurrection.
La Révolution, voilà un mot qui fait briller nos yeux, avoir la possibilité de revendiquer des changements, faire partie de l'Histoire.
Mais la réponse française m'est apparue très vite comme le prétexte à autre chose, quand bien même les actes de Khadafi sont condamnables, nous sommes-nous vraiment interrogés sur ce qui se passe là-bas?
Et si l'instauration de révolutions dans certaines contrées pouvaient permettre à des gouvernements d'avoir accès à des ressources jusque là encore bien protégées par leurs souverains? Nous avons bien raillé les Etats-Unis avec leur guerre contre le terrorisme, et si la France avançait dans la même direction: une croisade pour le pétrole?


Mais avant cela, puisque c'est une guerre qui est menée contre lui, attardons-nous sur ce mystérieux personnage qu'est Mouammar Khadafi.
Il faut d'abord savoir que son idéologie relatée dans le fameux « livre vert » - en référence au Petit Livre rouge écrit par Mao Zedong- propose de manière succincte des solutions aux problèmes posés par la démocratie et l'économie.
Après son coup d'état le 1er Septembre 1969, il prend le pouvoir au roi Idris 1er, s'auto-proclame colonel, revendique une démocratie directe et ôte toute légitimité aux autorités religieuses en place.
Il interdit la polygamie, condamne les mariages arrangés, et donne accès à l'éducation aux femmes.
Un homme jugé hérétique par son interprétation personnelle de l'Islam, mais un homme soucieux du confort social des Lybiens, a priori.



Mais il faut aussi savoir que c'est un homme obsédé par la présence coloniale en terre arabe, et qui souhaite depuis toujours la réunification du Moyen-Orient, voire du continent africain dans sa globalité. En effet, il tente depuis toujours de convaincre les dirigeants des autres pays de créer des « États Unis d'Afrique », considérant que c'est le meilleur moyen de développement pour le continent africain, en outre en créant une monnaie africaine unique et une seule armée formée de 2 millions de militaires. Le projet reste embryonnaire, mais il devient compréhensible qu'un tel projet puisse devenir une menace sérieuse pour l'Occident, quand bien même l'éventualité d'une Afrique unifiée demeure faible face à la corruption très présente dans le continent.



Cependant, alors que sa politique étrangère s'était toujours avérée assez agressive, certains faits historiques vont tout changer dans les relations diplomatiques de la Lybie. La chute de Saddam Hussein par exemple. C'est alors que la Lybie va s'efforcer de renouer des rapports cordiaux avec l'occident. Il va renoncer officiellement en Décembre 2003 à son programme d'armes de destruction massive, signe en 2004 le Traité de Non-Prolifération Nucléaire et instaure une réglementation plus souple en matière économique, permettant l'ouverture du marché local aux entreprises internationales, ce qui aidera le régime lybien à survivre.
Ne nous est-il pas envisageable ici de reconnaître un impérialisme économique occidental à l'encontre des pays du Moyen-Orient?
Notamment depuis la guerre en Irak, quel pays ne se sentirait pas menacé par la puissance d'un gouvernement comme celui des Etats-Unis, prêt à instaurer des guerres contre le terrorisme dans des pays majoritairement pétroliers?



Mais alors qu'en Tunisie et en Egypte, les chefs d'état ont été mis à la porte pour des revendications sociales reconnues, qu'en-est-il des revendications en Lybie?
En 2007, la Lybie possédait l'Indice de Développement Humain le plus élevé du continent africain, avec un taux de 0.847, le taux 1 étant considéré comme le maximum.
Si ce n'est le départ de Khadafi, la composition et les volontés de l'opposition lybienne restent bien plus floues que dans ses pays voisins. Pourquoi vouloir son départ? Quelles sont les identités politiques et/ou religieuses qui souhaitent ce départ? Personne ne le sait vraiment, si ce n'est Bernard-Henri Lévy qui a joué un rôle assez inapproprié dans cette bourbe diplomatique, comme il se l'était permis en 1992 auprès de François Miterrand au sujet de la Bosnie-Herzégovine. Un « philosophe », qui a, soit dit en passant, adopté une position favorable à la guerre en Irak en 2002 dans Le Point.
Je ne peux m'empêcher de me demander qui il peut bien être pour jouer un rôle aussi primordial dans la décision diplomatique de la France, qui ne devrait finalement être que le fait du président en place. Dans ce cas, que l'on m'accorde une audience avec M. Sarkozy, j'ai moi-même quelques suggestions à faire...



Mais ce n'est pas le fait le plus absurde, en Lybie, la révolte débute du 15 au 17 Février 2011 avec La Journée de la Colère, organisée via Facebook: en résulte 8 morts lors de la manifestation, ce qui entrainera les faits de violence à Benghazi et Al-Baida que nous connaissons tous.
Ce qui est intéressant, c'est l'immobilisme de l'Occident devant un chef d'état décidé à plonger la Lybie dans « un bain de sang », jusqu'au moment où les insurgés ont la main mise sur tout l'est du pays dès le 24 Février, riche en pétrole. Alors seulement, Barack Obama demandera officiellement à Khadafi de quitter ses fonctions le 26, et le 28, l'ONU, les Etats-Unis et l'Union Européenne signeront un embargo sur les armes en Lybie, et gèleront les avoirs du clan Khadafi.
N'est-il pas intéressant de constater que la prise de position occidentale, soit-disant dans un souci humanitaire, n'est effective qu'après la perte de la main mise de Khadafi sur la majorité du pétrole de son pays?



Personnellement, je peine à croire que la prise de position occidentale ne vise qu'à débarrasser une population de son dictateur, encore moins au nom de la démocratie et des Droits de l'Homme.
Ne faisons-nous pas ici une erreur de jugement? Le conflit lybien n'a en fait rien d'exceptionnel, il est ou a été le même au Bahrein, à Gaza ou au Rwanda, nous ne nous sommes pas impliqués pour autant, et par ailleurs, agir militairement en Lybie reviendrait à agir partout où les populations sont menacées par leur gouvernement.
Ne serait-ce pas cela l'impérialisme humanitaire?

Maurine Taenia.


1 commentaire:

Patrick a dit…

Aucun état n'est philanthrope, il en va de sa survie. Le débat sur les raisons d el'interventions des occidentaux est largement éculé: interventionnisme, imperialisme... Et surtout insoluble, la force des arguments de chaque côté étant imparable: l'histoire du monde. donc au delà de la géopolitique; nécessaire; il faut, je pense se pencher sur l'histoire tribal du pays, qui explique beaucoup de chose actuellement.